"VOYAGES DE MILORD CÉTON DANS LES SEPT PLANÈTES " 1787 di MARIE - ANNE de ROUMIER - ROBERT (pagina a cura di Erlene De Rossi - pseud.) AVERTISSEMENT DE L’ÉDITEUR DES VOYAGES IMAGINAIRES
I l est difficile de croire comme
quelques-uns l'ont prétendu, que les
Mondes de Fontenelle aient donné l'idée
de l'Ouvrage que nous imprimons
dans ce volume & dans le suivant.
On avoit imaginé, avant cet illustre
Académicien, de peupler les planettes,
& ce systême avoit donné lieu à des
dissertations sérieuses de la part des
Physiciens, & à des plaisanteries de la
part de quelques gens d'esprit, qui y
trouvoient matière à exercer leur imagination. En 1656, près de trente ans
avant que Fontenelle fit imprimer ses Mondes,
Bergerac avoit donné la première
édition de son voyage de la
lune. Nous connoissons un ouvrage plus
ancien encore traduit de l’Espagnol,
& imprimé en 1654, intitulé l’ Homme
dans la Lune, ou le Voyage chimérique
fait au monde de la Lune, nouvellement
découvert par Dominique Gonzalez, aventurier
espagnol, autrement dit le Courier
volant. Il seroit possible que cet Ouvrage,
connu en France peu d’années
avant celui de Bergerac, eût donné à
ce dernier l’idée de son voyage dans la
lune ; en tout cas il l’a bien embellie,
& il a fait oublier entièrement son modèle.
Au surplus le public a goûté dans
tous les tems l’idée de peupler les planettes,
& d’y créer des royaumes imaginaires.
Le Voyage de Cyrano, comme nous l’avons observé précédemment, a
eu le plus grand succès. Cette espèce
de plaisanterie s’est produite jusques sur
la scène. En 1684 les Comédiens Italiens
ont joué leur Arlequin Empereur
dans la Lune, & cette pièce attiroit
tout Paris : les gazettes du tems font
mention d'un succès qui a peu d'exemples,
& qui n’est pas toujours une marque
assurée du mérite d'un ouvrage.
Les Voyages de Milord Céton, qui
ont paru près d'un siècle après toutes
ces productions, sont d'un genre plus
estimable : nous ne croyons pas que
l'Auteur en doive l'idée à des ouvrages
passés de mode, & d'un ton bien différent
de celui qu'il a adopté : c’est plutôt
par une critique fine & délicate
qu’il cherche à plaire, que par des
images merveilleuses, par des caricatures
burlesques, qui surprennent, par la hardiesse avec laquelle elles choquent
les règles les plus connues de la vraisemblance.
L’Auteur tire du nom de
chacune des planettes, le caractère des
habitans dont il la peuple. On trouvera
donc dans la Lune des habitans légers
& frivoles ; dans Mercure un peuple d’avares,
qui s’occupent à entasser toute leur
vie des trésors inutiles. Vénus offrira une
espèce d’île de Cythère où l’on ne songe
qu’à faire l’amour & satisfaire ses passions.
Dans Mars nous ne verrons que
guerre & carnage. On peuple cette planette
de héros dont l’unique souci est
de s’entre-détruire. Le Soleil est le séjour
de la lumière & de la raison. Tous
les habitans y cultivent les hautes sciences,
& y font les plus grands progrès.
Dans la planette de Jupiter, le tableau
est bien différent & plus singulier : c’est
le séjour du faste & de l’orgueil ; tous les habitans sont nobles, & se croyent
plus les uns que les autres. Enfin, on
retrouve dans la planette de Saturne,
les anciens tems de Saturne & de Rhée.
L’Auteur y donne une nouvelle peinture
des beaux siècles appellés l’âge
d’or. Notre projet n’étant pas de donner
ici un extrait de l’Ouvrage que nous
mettons sous les yeux de nos lecteurs,
nous nous bornons à ce que nous venons
d’en dire ; nous nous contentons
d’ajouter que ce cadre heureux est bien
rempli.
L’Auteur de cet estimable Ouvrage
se nommoit Marie-Anne de Roumier,
épouse de M. Robert : comme elle cultivoit
les lettres dans le silence &
qu’elle vivoit très-retirée, se bornant à
un très-petit cercle d’amis, nous ne
pouvons donner aucuns renseignemens
sur sa vie : nous savons seulement qu’elle est morte à Paris en 1771, âgée d’environ
soixante ans. Elle a composé plusieurs
romans, entr’autres la Paysanne
Philosophe ; la Voix de la Nature ;
Nicole de Beauvais & les Ondins. 




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